mardi 29 janvier 2008

Serge Halimi, « Le grand bond en arrière », fayard, 2006

« Nous avons connu d’autres ambitions collectives que celle de punir les pauvres, d’autres définitions de la liberté que celle de choisir entre deux marques de produit. Cette utopie-là vaut bien celle des autres. Et c’est aussi grâce à elle que nous savons que nous ne sommes pas condamnés à vivre dans le monde où nous vivons. »

Si vous avez voté « Sarkozy » avec enthousiasme lors des dernières élections ou si vous pensez qu’il « invente » des solutions originales pour redresser le pays, passez votre chemin, ce livre n’est pas pour vous. Car si par malheur, vous y comprenez quelque chose, tous les confessionnaux du monde ne vous seront d’aucun secours. Pour tous les autres, ceux pour qui des mots comme « justice sociale » ou « solidarité » ont encore un sens mais qui ne comprennent plus la marche du monde et qui ne savent pas comment on a pu en arriver là –je sais que vous êtes nombreux- prenez le temps de lire ce livre. A défaut de pouvoir changer le monde, vous aurez au moins la satisfaction de savoir comment « l’ordre néolibéral » s’est largement imposé à nos sociétés en ce début de 21ème siècle : Pourquoi Lionel Jospin a t-il privatisé plus d’entreprises qu’aucun autre Premier Ministre en France ? Pourquoi les réformes les plus dures en Allemagne ont-elles été réalisées par les sociaux-démocrates ? Comment le socialiste français Pascal Lamy a-t-il pu diriger l’OMC, l’organisation mondiale la plus libérale qui soit ? Du coup, vous comprendrez aussi pourquoi des hommes « de gauche » apportent leur « crédit » au gouvernement de Sarkozy ou comment Dominique Strauss-Khan a pu être nommé à la tête du FMI avec la bénédiction du petit Nicolas. Sans oublier comment un traité constitutionnel pourtant rejeté par referendum est en passe d’être ratifié dans l’indifférence générale... Ce qu’il y a de formidable dans ce livre, c’est qu’il donne toutes les clefs nécessaires pour comprendre les mutations récentes de nos sociétés occidentales, toujours plus consuméristes, affairistes et d’une certaines manière autodestructrices.


Plus qu’un essai militant, Serge Halimi (1) a réalisé un véritable travail d’historien et nous livre ici un ouvrage très documenté. Ce pavé de 600 pages (vous êtes prévenus !) est l’histoire d’une trahison, celle de nos élites et de leur conversion au néolibéralisme. Elles ont réussi l’exploit (en une trentaine d’années tout de même) d’abattre l’ancien ordre keynésien et surtout de faire passer l’idéologie d’une classe (la leur, la classe possédante) pour le sens commun en organisant minutieusement l’impuissance publique. En un sens, la mondialisation est largement le résultat de cette gigantesque machination qui aboutit à la subordination (la soumission ?) de tous aux seuls intérêts des détenteurs de capitaux – cette surclasse mondiale qui considère le droit du travail comme une entrave à la liberté, l’éducation et la santé comme des dépenses inutiles.

« Très tôt, les think tanks néolibéraux ont consacré temps et énergie à la déréglementation des télécommunications. Eux voyaient loin. La structuration de l’information autour d’oligopoles privés gouvernés par leurs actionnaires allait accélérer la privatisation de la société tout entière. (…) L’information, comme la culture ou l’éducation, n’est qu’un produit vendu à des consommateurs sur un marché dans une optique de profit. Et la puissance de l’entreprise reflète l’appréciation du client. C’est ce que Thomas Frank appelle le « populisme de marché », cet étrange élixir qui permet à la droite américaine de stigmatiser comme « élitiste », voire antidémocratique, quiconque s’oppose à une multinationale, puisque la puissance de l’entreprise proviendrait des arbitrages du peuple en sa faveur. »


La démonstration de Serge Halimi est magistrale. Elle décortique les rouages de cette impitoyable machine de guerre idéologique - les stratégies, les moyens mis en oeuvre, les victoires. A la fin, on se sent faible et démuni face à un tel pouvoir. Et pourtant, nous devons garder espoir car il n’existe aucune loi naturelle qui régisse l’évolution des sociétés humaines, quoi qu’en disent les économistes. Il n’existe que des valeurs que nous décidons de défendre ou de renier. Le New Deal, le Front Populaire ou le Conseil National de la Résistance furent des périodes lumineuses. Aujourd’hui, le ciel s’est assombri. Mais gardons ceci en tête : tôt ou tard, même les ténèbres doivent passer... Les révolutions sont faites pour ça. Elles commencent dans les esprits. Aux livres, Citoyens !


Je n’ai qu’un conseil à vous donner : apprenez à penser contre les marchés (pensez au scandale de la Société Générale). C’est la clef. Les moins courageux trouveront ici une interview de Serge Halimi qui reprend les grandes lignes de son livre.


(1) Docteur en sciences politiques, Serge Halimi est journaliste au Monde diplomatique.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Attention, ce texte est un appel à la révolte et à la révolution. La révolte, elle commence tout seul, par la prise de conscience et les actes qui s'ensuivent. Pour la révolution, il faut être plusieurs et nombreux. Où sont cachés les camarades? Ils viendront de plus en plus nombreux, j'en suis sûr!

Anonyme a dit…

Attention, ce texte est un appel à la révolte et à la révolution. La révolte, elle commence tout seul, par la prise de conscience et les actes qui s'ensuivent. Pour la révolution, il faut être plusieurs et nombreux. Où sont cachés les camarades? Ils viendront de plus en plus nombreux, j'en suis sûr!