vendredi 15 février 2008

Le déni écologique

« La croyance dans la régulation des prix par le marché et la foi en la science et la technologie pour résoudre des problèmes « conjoncturels » d’accès à des ressources énergétiques bon marché constituent deux certitudes de la pensée libérale-productiviste, la plus communément partagée dans le monde d’aujourd’hui. La présentation de faits, de nombres, d’informations et de raisonnements qui les contredisent rigoureusement est rarement prise en considération par les gardiens de ces certitudes. Ceux-ci sont d’abord les économistes néoclassiques, qui règnent dans les universités et les médias, suivis par les chefs d’entreprise et la majorité des politiciens, deux groupes qui semblent devenir de plus en plus interchangeables, comme le montre la composition des gouvernements, et notamment les nominations au poste de ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie. Il est fait appel de façon croissante à des businessmen patentés pour prendre en charge ce ministère ou conseiller son occupant énarque. Réciproquement, les hauts politiciens retirés de la politique ou remerciés trouvent souvent de confortables replis dans quelque grande entreprise. Cet échangisme existe aussi au sein de la technocratie d’Etat (énarques, polytechniciens…), où il est banal de rejoindre le privé après des années de direction d’administration. Cette population est d’ailleurs remarquablement structurée, collectivement en groupes d’anciens élèves des grands corps, et individuellement en tant qu’esprit formés à l’organisation des personnes, des choses et des évènements. Formés à l’organisation, mais pas à l’observation. A la décision, mais pas à la science. L’histoire du changement climatique le montre à l’envi.
Alors que depuis plus de trente ans les scientifiques et les écologistes tentent d’alerter les milieux économiques et politiques sur les risques liés à l’augmentation de la concentration de gaz à effet de serre, il a fallu attendre l’année 2005 pour que le modeste Protocole de Kyoto entre en vigueur – sans parler du temps qu’il faudra pour qu’il s’applique réellement- et que le gouvernement français rédige un indigent « plan climat ». Le problème et sa solution sont pourtant étonnamment simples à exposer : le gaz carbonique émis par la combustion des fossiles étant le principal contributeur au changement climatique , il est indispensable de réduire celle-ci. Ce qui n’est pas fait. Car la science, la réalité chimique de l’atmosphère se heurtent frontalement aux croyances productivistes de nos dirigeants économiques et politiques, qui y opposent un déni tenace . Elles se heurtent aussi aux habitudes les plus banales de milliards d’individus dont la vie quotidienne repose sur des produits carbonés, depuis le carburant pour la voiture jusqu’aux médicaments et aux vêtement synthétiques. Nos gouvernants n’ayant pas agi à temps, nous connaîtrons des épisodes géophysiques extrêmes de plus en plus meurtriers. Ce sont nos propres enfants que notre mode de vie matériel met en danger de mort, et non ces abstraites « générations futures » sans cesse évoquées par nos dirigeants, notion impersonnelles et floue qui leur permet de repousser toujours à plus tard les décisions politiques radicales qui devraient être prises. »

Yves Cochet, Pétrole Apocalypse, Fayard, 2005, p. 119-121.

mardi 5 février 2008

Ayez confiance !

Le cauchemar européen

Malaise dans la démocratie

« La démocratie, c'est le gouvernement du peuple exerçant la souveraineté sans entrave. » Charles de Gaulle

Pour commencer, une petite devinette qui circule sur le Net :

« Le président A propose une nouvelle Constitution. Il la soumet au vote de son peuple.

Le président B propose aussi une Constitution. Dès qu'une partie du peuple a dit non, on cesse de voter. Un peu plus tard, la même Constitution est imposée. Sans vote. Qui est le démocrate ?
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Vous avez tout faux. Le premier président s'appelle Chavez, c'est donc un populiste et un dictateur. Le second s'appelle Sarkozy et l'Union Européenne, ce sont donc des démocrates. »

Poutine doit bien rigoler… Sa conception de la démocratie n’est pas si différente après tout. Honnêtement, je vois mal comment les Européens pourraient désormais lui faire la leçon.

Ainsi donc, le Traité de Lisbonne, la copie quasi-conforme du Traité constitutionnel européen, rejeté par les peuples Français et Néerlandais par referendum, est en passe d’être ratifié par tous les pays de l’Union, par voie parlementaire cette fois-ci (c’est plus prudent) sauf en Irlande. La France a révisé sa Constitution hier et le Parlement s’apprête à voter définitivement le texte. On dira ce qu’on voudra, mais en définitive c’est un mépris total de la souveraineté populaire. Il ne s’agit ni d’un « traité simplifié », ni d’un « mini-traité » comme annoncé par Nicolas Sarkozy, mais d’une vraie mascarade. Ce texte est même peut-être pire que le précédent. Voici ce qu’écrit Valéry Giscard d'Estaing dans un article du Monde :

« Dans le traité de Lisbonne, rédigé exclusivement à partir du projet de traité constitutionnel, les outils sont exactement les mêmes. Seul l'ordre a été changé dans la boîte à outils. La boîte, elle-même, a été redécorée, en utilisant un modèle ancien, qui comporte trois casiers dans lesquels il faut fouiller pour trouver ce que l'on cherche. (…)

Le texte des articles du traité constitutionnel est donc à peu près inchangé, mais il se trouve dispersé en amendements aux traités antérieurs, eux-mêmes réaménagés. On est évidemment loin de la simplification. Il suffit de consulter les tables des matières des trois traités pour le mesurer ! Quel est l'intérêt de cette subtile manoeuvre ? D'abord et avant tout d'échapper à la contrainte du recours au référendum, grâce à la dispersion des articles, et au renoncement au vocabulaire constitutionnel.

Mais c'est aussi, pour les institutions bruxelloises, une manière habile de reprendre la main, après l'ingérence des parlementaires et des hommes politiques, que représentaient à leurs yeux les travaux de la Convention européenne. Elles imposent ainsi le retour au langage qu'elles maîtrisent et aux procédures qu'elles privilégient, et font un pas de plus qui les éloigne des citoyens. »

Pour une fois, je suis d’accord avec VGE, l’Europe qu’on nous prépare va enthousiasmer les citoyens, c’est sûr…

Heureusement, il existe encore des hommes politiques courageux, capables de dénoncer cette dérive anti-démocratique :

« Si l'Europe reste la seule affaire des responsables politiques et économiques, sans devenir la grande affaire des peuples, reconnaissons que l'Europe sera, à plus ou moins brève échéance, vouée à l'échec.

Bien sûr, l'Europe doit être au service des peuples, chacun peut le comprendre. Mais l'Europe ne peut se construire sans les peuples, parce que l'Europe, c'est le partage consenti d'une souveraineté et la souveraineté, c'est le peuple. A chaque grande étape de l'intégration Européenne, il faut donc solliciter l'avis du peuple. Sinon, nous nous couperons du peuple.

Si nous croyons au projet Européen comme j'y crois, alors nous ne devons pas craindre la confrontation populaire.

Si nous n'expliquons pas, si nous ne convainquons pas, alors comment s'étonner du fossé qui risque de s'amplifier chaque jour davantage entre la communauté Européenne et la communauté Nationale ? »
Nicolas Sarkozy, le 9 mai 2004 au Conseil national de l'UMP à Aubervilliers.

Admirez sa force de conviction sur cette video !

Il est toujours triste de constater qu’en politique, tout le monde ment, tout le monde raconte n’importe quoi et que les textes européens qui s’accumulent depuis le traité de Maastricht ne cessent de restreindre les champs pour lesquels le peuple doit être consulté.

L’Europe est devenue folle, c’est une machine qu’il faut arrêter car elle menace la démocratie. Ceux qui croient encore que de ce traité sortira une Europe plus solidaire, plus sociale ou plus forte sur la scène internationale se trompent lourdement.

Avant d’imposer leurs choix ou leur vision du monde, les hommes politiques ont le devoir premier de défendre la démocratie et la souveraineté populaire. Au lieu de cela, nos députés et sénateurs réunis hier en Congrès à Versailles ont fait exactement l’inverse. Dès lors, ces gens ont cessé d’incarner la représentation nationale pour ne plus être que l’émanation de cette oligarchie européenne, dont le seul but est de garder le pouvoir. Quant à moi, plus jamais je ne voterai pour un de ces partis qu’on dit « de gouvernement ».