mardi 29 janvier 2008

La fabrication de l’impuissance publique

En France, le mot libéralisme était imprononçable, alors on en a trouvé un autre, Europe. (Alain Touraine) (1)

« Le monétarisme, qui empêche les gouvernements de financer leurs dépenses en ayant recours à la planche à billets, et la baisse des impôts, qui oblige les Etats à réduire la voilure de leurs interventions, vont constituer les armes principales de cette contre-offensive intellectuelle. « Empêcher » et « obliger » ne sont pas des verbes anodins : les néolibéraux n’ont aucune confiance dans la capacité des partis traditionnels, à plus forte raison des fonctionnaires en place, d’interrompre la spirale qu’ils redoutent. Il s’agit donc bien de les obliger à intervenir ; et l’ensemble des politiques menées depuis les années 80 au nom de la « liberté » ont comporté leur lot de mesures coercitives. Au plan monétaire, c’est l’indépendance des banques centrales et, en Europe, la destruction des monnaies nationales. Au plan budgétaire, les critères de convergence qui menacent de lourdes pénalités financières les pays de l’Union européenne dont la politique de dépenses publiques serait jugée trop accommodante. Au plan commercial et industriel, ce sont les « rounds » d’ouverture des frontières nés de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1947, la politique de la concurrence qui, sous astreinte d’amendes du GATT puis de l’OMC, mais aussi de la Commission de Bruxelles, interdit le contrôle des importations, les aides à l’exportation, le soutien de l’activité d’une entreprise en difficulté. Toute cette fabrication d’impuissance a exigé un travail acharné, une machinerie à la fois idéologique, politique, juridique et constitutionnelle. »

Serge Halimi, « Le grand bon en arrière », fayard, 2006, p. 216.


(1) cité p. 400.

Aucun commentaire: