samedi 14 avril 2007

Joseph E. Stiglitz, « La grande désillusion », Poche

C’est le livre qu’il faut lire pour comprendre les évolutions les plus récentes de l’histoire économique contemporaine. Il permet de s’extraire de la pensée dominante, de passer de l’autre côté du miroir pour découvrir l’envers du décor du théâtre global et de comprendre pourquoi la mondialisation n’est pas aussi heureuse qu’on nous le promet. Une véritable bible des temps modernes qui décrypte les conséquences engendrées par les nouvelles règles du jeu économique mondial, telles qu'elles ont été édictées dans le "consensus de Washington". Un livre fondateur, d’autant plus qu’il vient d’une personne du sérail.

Car qui est J. Stiglitz ? Ce n’est certainement pas un gauchiste anticapitaliste mais l’un des principaux représentants du courant des nouveaux keynésiens. Ancien conseiller de Bill Clinton (1993-1997) puis économiste en chef à la Banque mondiale (1997-2000), il reçoit le prix Nobel d’économie en 2001. On lui doit le «paradoxe de Stiglitz», qui démontre en substance « que le marché laissé à lui-même ne peut améliorer son fonctionnement » (1).

Que nous dit Stiglitz ? Que le FMI, véritable pompier-pyromane, impose des politiques qui détruisent les agricultures des pays émergents en les mettant en concurrence avec les produits subventionnés du Nord. Qu’il fait passer les intérêts de son principal actionnaire, les Etats-Unis avant ceux des pays qu’il est censé aider. Que les fonds consentis servent surtout à renflouer les créanciers que sont les grandes banques internationales, aider les riches du pays à faire fuir leurs capitaux et à enrichir les mafias. Que la libéralisation brutale des marchés de capitaux est très dangereuse car elle déstructure les économies et conduit à la crise. Que les pays qui s’en sortent, sont justement, la Chine en tête, ceux qui ont refusé les plans du FMI et ont su gérer leur transition étape par étape. Bref, que les institutions internationales font désormais partie du problème et non de la solution.

Il témoigne : « Quand je suis passé à l’international, j’ai découvert que la prise de décision (...) était fondée, semblait-il, sur un curieux mélange d’idéologie et de mauvaise économie, un dogme qui parfois dissimulait à peine des intérêts privés ». Du coup le constat est peu glorieux : pour la majorité de la population de la planète, les choses stagnent ou déclinent en matière de qualité de la vie.

Le FMI a pourtant été créé pour prévenir et guérir les crises financières. Mais en échange de ses prêts, il impose aux pays concernés des politiques de « réformes structurelles ». Ces « réformes » sont en fait la mise en place de politiques d’austérité, l’ouverture des pays émergents à l’investissement étranger et leur subordination à la mondialisation dominées par les multinationales. J. Stiglitz revient d’ailleurs largement sur le cas russe et décrit avec une précision chirurgicale les causes qui ont conduit, dans les années 1997-1998, les pays asiatiques à la crise, entraînant dans leur sillage la Russie et l’Amérique latine.

Au final, J. Stiglitz fait ce diagnostic accablant : « Aujourd’hui la mondialisation, ça ne marche pas. Ça ne marche pas pour les pauvres du monde. Ça ne marche pas pour l’environnement. Ça ne marche pas pour la stabilité de l’économie mondiale ».

Il tempère tout de même son propos en ajoutant : « Le problème n’est pas la mondialisation. C’est la façon dont elle a été gérée. En particulier par les institutions économiques internationales, le FMI, la Banque mondiale et l’OMC qui contribuent à fixer les règles du jeu. Elles l’ont fait trop souvent en fonction des intérêts des pays industriels avancés (et d’intérêts privés en leur sein) et non de ceux du monde en développement ».

Pour sortir de cette impasse, il prône une philosophie économique qui envisage l’Etat et les marchés dans un rapport de complémentarité et préconise la réforme urgente des politiques économiques internationales trop souvent au service des lobbys des pays du Nord.

Cette « grande désillusion » se poursuit dans un second volet, « Quand le capitalisme perd la tête », publié en 2003.


(1) in Bernard Maris, « Lettre ouverte aux gourous qui nous prennent pour des imbéciles », Seuil

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Interesting to know.